Robin et Oliver
Le cap Horn en kayak !
article signé Sébastien Colson, paru dans le journal “ Le dauphiné libéré ”
rubrique “ le fait du jour ”
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Robin Givet, un Sallanchard, et son compagnon Olivier Mouzin, originaire des vosges, ont parcouru mille kilomètres en kayak de mer pour doubler le mythique cap Horn. L'expédition aura duré un peu plus de trois mois pour ce qui constitue sans aucun doute une première dans les mers les plus hostiles du monde.

 

Robin ne fait pas partie de cette race d'aventuriers tapageurs et bruyants pour qui l'exploit ne peut être que médiatique. L'ancien membre du groupe “ Haute performance” de la FFME (Fédération Française de la montagne et de l'escalade), accomplit ses rêves pour lui même. Quand il décide de passer le cap le plus fameux de l'histoire de la navigation, les récits qui l'accompagnent sont ceux des navigateurs espagnols du XVème siècle, les images qu'il emmène sont celles des tempêtes effroyables, des îles balayées par le vent, des lions de mer et des otaries. La mythologie de l'exploit n'est pas son truc et il se fiche des premières. C'est sans doute le meilleur passeport pour les mers australes.
Arrivés par avion à Punta Arenas, dernière grande ville du Chili, les deux copains de 29 ans ont effectué un périple de plus de trois mois et près de mille kilomètres plein sud pour atteindre le cap Horn. Il s'agit certainement d'une aventure qui n'avait jamais été réalisée en kayak, mais peu importe, là n'était pas le but d'une histoire de passionnés. La plaisir, ils l'ont trouvé dans la nature hostile de ce bout du monde.
“ Il y a des jours où nous ne pouvions pas naviguer car la mer était trop grosse, les vents trop forts. En kayak, on supporte bien du 30km/h de dos, au dessus ça devient engagé. Nous restions parfois deux ou trois jours dans notre tente à regarder les éléments se déchaîner, dans une nature complètement impénétrable ”. Toute cette portion du continent sud-américain est un chapelet d'îlots à la végétation dense, humide et rabougrie. Les vents glaciaux venus de l'Antarctique, à peine 900 km plus au sud, souffernt en continu. La température, même en plain été, ne dépasse jamais les 10° et tombe souvent en négatif.
“ Dans le canal Cockburn, nous sommes restés 10 jours. Nous nous demandions ce que nous faisions là, complètement frigorifiés et mouillés, loin de tout. Nous doutions presque du bien fondé de l'expédition. Puis le vent finit par se calmer et quelques rayons de soleils réapparurent. La beauté des glaciers de l'extrémité sud des Andes tombant dans la mer répondit à toutes nos questions ”.
Les estancias abandonnées leur rappelle les vaines tentatives de colonisation d'autrefois et quelques rencontres surprenantes viennent même égayer le voyage. Dans les contreforts de la cordillère Darwin, ils croisent un autre Haut Savoyard, le skipper Bertrand Dubois. Drôle de rencontre que cet étonnant bonhomme après autant de semaines sans parler... Bertrand et sa femme vivent sept mois par an à Ushuaia et le reste du temps en Haute Savoie. Durant leur saison en Patagonie, ils emmènent sur leur voilier des touristes en mal d'aventure se battre dans les mers australes. La conversation roule bien vite sur la mer et la montagne, les hommes partageant les mêmes goûts des endroits extrêmes. Plus loin, ils tombent sur le bateau de Jean Louis Etienne, racheté par le grand navigateur Peter Blake (Peter Blake est décédé en Amazonie à bord de ce voilier, baptisé Seamaster, le 5 décembre 2001. Il a été froidement abattu par des pirates). Le secteur du Horn a un grand pouvoir de fascination...
Les bonnes journées, Robin et Olivier parcourent 70km à une vitesse moyenne de 6km/h. Naviguant dans les eaux chiliennes, ils décident de ne pas se rendre à Ushuaia, en Argentine, ville considérée comme la plus australe du monde. Située en zone franche depuis les années 80, Ushuaia s'est aussi développé grâce au tourisme pour atteindre 45 000 habitants dans une ambiance de Far West. Passé la ville, un arrêt est nécessaire dans la bourgade chilienne de Puerto Williams afin de recevoir les autorisations pour se rendre au cap Horn. La moitié des 2000 habitants sont des militaires. “ Cette zone est très stratégique et les militaires délivrent au compte goutte les autorisations pour le Horn. Le côté sympathique de Puerto Williams, c'est la rencontre avec des personnages excentriques, comme ce couple d'américains qui a parcouru 7000 km à pied du nord au sud du Chili pendant un an pour finir par se marier ici... ” témoigne Robin. Cette dernière halte permet de recharger les batteries avant la navigation finale, la plus dure, la plus belle, celle du cap mythique qui a jeté à l'eau tant et tant de marins.
Ils engagent la traversée les séparant des derniers remparts du cap Horn un lendemain de tempête. Dans cette zone, les perturbations frappent aussi rapidement que violemment, empêchant tout opération de sauvetage. Heureusement qu'en ce début d'hiver les conditions n'empirent pas trop. “ Après l'île Herschel, la dernière terre avant d'attaquer le cap proprement dit, on a vraiment eu une sensation de bout du monde. Et on a repensé avec respect aux navigateurs du XVème et XVIème siècle qui se lançaient dans ces mers hostiles et complètement inconnues ”. Les kayakistes feront le tour de l'île Horn en passant le cap d'ouest en est. Tout simplement heureux de sortir vainqueur sur leurs modestes embarcations d'un des endroits terrestre les plus inhospitaliers pour l'homme.

Une expédition à petit budget
Olivier Mouzin, chercheur en mécanique, à quitté son laboratoire de biomécanique aux Etats Unis pour rejoindre l'équipe Mavic, spécialisée dans la construction de roues, cadres et accessoires de vélo. Robin Givet, ingénieur en géotechnique passe une grande partie de son temps à sonder les fonds marins. Tous les deux ne sont pas des pros de l'aventure et ils ont financé eux même cette expédition dont le budget global s'élève à 9000€ matériel et vivre compris.
Ils se sont faits aidés par Dagger et Harmony, fabricants américains de kayaks et accessoires, ainsi que la firme anglaise Yak (vêtements) qui leurs ont mis à disposition du matériel moins cher.
Ce n'était pas la première aventure de Robin Givet en kayak. Il avait notamment remporté une bourse de la Guilde Européenne du Raid qui lui avait permis de faire le tour des îles Vanuatu en kayak solo. L'ex-pensionnaire du “ groupe haute performance ” de la FFME a aussi participé à plusieurs expéditions d'élite en haute montagne, notamment l'ouverture de voies dans le Pamir, ainsi que l'ascension de plusieurs 7000 mètres.

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