Cinq cents milles
en kayak de mer sont un défi qui a de quoi dissuader les plus déterminés.
Mais lorsqu'on sait que cette escapade maritime consiste à aller
de Punta Arenas au Chili jusqu'au cap Horn, on peut avoir froid dans le
dos. Or ce challenge, Olivier Mouzin originaire de Jouy aux Arches et
Robin Givet, un haut savoyard, l'ont non seulement relevé mais
aussi remporté.
La première fois que j'ai vu le cap Horn, c'était
dans un livre d'Eric Tabarly. J'avais juste dix ans. Et au terme de tous
nos efforts, nous l'avons eu devant nous, tel le roi des océans...,
raconte Olivier Mouzin. Passionné par la mer, mais également
par la montagne, cet habitant de Jouy aux Arches est aussi casse cou que
tête bien faite. Docteur en mécanique, il tente l'aventure
aux Etats Unis où il travaille sur des projets de prothèse
de genoux et de hanches. A la fin d'une année studieuse et bien
remplie, il retourne dans la maison familiale, mais la soif de l'aventure
demeure. Il lui a pourtant déjà payé un lourd tribu.
En 1992, il a été victime d'une chute au sol de 45m dans
le massif du Vercors.
Avant de renouer avec la vie professionnelle en France, Olivier décide
d'aller voir de près le cap Horn. L'idée est de rallier
Punta Arenas au cap Horn en kayak de mer : Un truc de
fou .
Hypothermie
En janvier dernier, Olivier et Robin sont prêts physiquement pour
l'aventure. Ils se rendent à Punta Arenas et les longues journées
de l'été austral leur permettent de découvrir la
ville. Le 24 janvier est le jour du départ : Nous
vivons nos premiers coups de pagaie comme une libération. Pourtant,
dès le lendemain, nous affrontons un vent de cinquante noeuds
raconte Olivier. Au bout de cinq jours de navigation, nos deux marins
atteignent le point le plus austral du continent américain. Une
courte traversée les mène à l'entrée du canal
Magellan. Puis lorsqu'ils pénètrent dans le canal Cockburn,
ils engagent un dur combat contre l'humidité. Il bruine
sans cesse, le thermomètre s'effondre, des grains venus de l'antarctique
nous assaillent en permanence et nous passons de sales journées
à essayer de remonter mètres par mètres les trente
milles de ce canal se souvient Olivier. Une semaine d'efforts
leur permet d'atteindre une baie désolée. Guettés
par l'hypothermie, ils plantent leur tente à l'embouchure d'une
rivière. La Patagonie se fait plus accueillante et la suite du
voyage, le long de la cordillère Darwin est un régal pour
les yeux.
Dédale infernal
Très vite repérés, Olivier et Robin doivent rejoindre
Puerto Williams, à une bonne journée de navigation. Après
une dizaine de jours passés dans la ville la plus australe du monde,
ils obtiennent l'autorisation de poursuivre leur périple. Nous
longeons les côtes de l'île Horn. Tout est gris ; la roche,
le ciel, les mousses. La mer est presque noire. Le cap n'est plus qu'à
quatre milles et il est impensable de retourner sur nos pas ,
rapporte Olivier. Une heure d'intense bagarre permet de sortir du dédale
infernal, cap plain sud, et l'esquif se trouve en face d'une pyramide
rocheuse. Malgré le grain qui se pointe, nous
prenons le temps de savourer le fruit de nos efforts. Nous en sommes à
notre cinq centième mille de navigation et touchons au but. La
sensation de bout de monde nous étreint , témoigne
Olivier.
Pari tenu, Horn vaincu.
|